Topics : Google redécouvre la publicité contextuelle

Jérôme Cail,
mardi 03 mai 2022

Cookies

La nouvelle initiative de la Privacy Sandbox, n’est pas si nouvelle…

Google nous annonçait le 25 janvier 2022 qu’il laissait tomber sa précédente initiative FLoC (Federated Learning of Cohorts) au profit de sa nouvelle initiative Topics. Depuis que Google a annoncé la fin des cookies tiers, il multiplie les initiatives pour en trouver une qui réussisse l’exploit d’être irréprochable en matière de protection des données personnelles tout en permettant aux éditeurs de contenus digitaux la monétisation de leur audience.

Cette double ambition est-elle réaliste ? La solution proposée par Google est-elle si nouvelle ? Comment va-t-elle être acceptée par le marché publicitaire ?

Avec Google Topics, finis les cookies tiers !

Quel est le principe de Topics ?

Les sites web souhaitant participer à Topics vont utiliser l’API fournie par Google afin d’envoyer au navigateur Chrome (Google ne semble toutefois pas restreindre l’usage de Topics à Chrome) la catégorie à laquelle appartient le site consulté. Au fil de son parcours sur internet, l’utilisateur va recevoir dans son navigateur toutes les catégories des sites qu’il a consultés. Une connaissance sur l’utilisateur se construit donc petit à petit et se trouve stockée dans le navigateur. Chaque semaine, le navigateur calcule la catégorie la plus représentative de l’utilisateur.

En parallèle, lorsque la personne visite un site, le navigateur communique au site en question les trois dernières catégories qui lui ont été attribuées, c’est-à-dire les trois catégories représentant les intérêts de la personne au cours des trois dernières semaines. Grâce à cette information, le site éditeur peut trouver des annonceurs souhaitant afficher des publicités à des personnes intéressées par les thématiques en lien avec les produits et services qu’il commercialise.

La double ambition de Google est-elle réaliste ?

Peut-on vraiment offrir aux éditeurs une solution pour monétiser leur audience tout en étant irréprochable en matière de protection des données personnelles ? A priori oui. Mais la solution de Google permet-elle d’atteindre cet objectif ? Pas sûr…

En effet, ce que fait Topics consiste à créer un profil à propos d’une personne et de le stocker au sein du navigateur. Dans ces conditions, plus besoin de cookies contenant des identifiants pour retrouver la trace de cette personne dans une grosse base de données puisque tout est stocké dans le navigateur. Mais dans Chrome (et aussi dans les autres navigateurs), les internautes sont connectés sur leur compte Gmail (ou équivalent) et donc tout ce qui est stocké dans le navigateur au cours d’une session de navigation se rapporte bien à la personne qui est en train d’utiliser le navigateur. C’est-à-dire qu’il y aura autant de séries de catégories stockées dans le navigateur qu’il y aura de comptes utilisateurs paramétrés dans ce navigateur. Et si la navigation se faisait en mode non connecté, ça ne changerait pas grand chose. Le navigateur est installé sur le terminal de l’utilisateur et donc on se rapporte bien à la personne qui utilise ce terminal/navigateur. On peut éventuellement élargir l’usage du terminal au cadre familial. Mais dans ce cas les trois catégories qualifient les habitudes de navigation de la famille et donc elles sont représentatives des habitudes de navigation de ce petit groupe de personnes.

La solution Topics de Google permet donc bien de construire le profil d’une personne (ou d’une famille) en collectant des données qualifiant son parcours de navigation chaque semaine. Ce profil étant stocké sur le navigateur de la personne. D’ailleurs si la personne utilise plusieurs terminaux, elle sera susceptible d’avoir autant de profils que de terminaux (car elle n’a pas visité les mêmes sites). Sauf si une réconciliation se fait à partir du compte Gmail et on obtient à nouveau des données de profil rattachées à un identifiant (compte e-mail).

Dans ces conditions, peut-on vraiment dire qu’il n’y a aucune donnée personnelle exploitée par Topics de Google ? La réponse est dans la question 😊.

La solution proposée par Google est-elle si nouvelle ?

En fait, non. Le principe de ciblage de la publicité en fonction du contexte plutôt que le profil d’une personne est aussi vieux que la publicité. En effet au début d’internet, et aussi avant internet, on ne pouvait que se baser sur le contexte. C’est-à-dire cibler des lecteurs de tel journal (dont on connaît les grandes caractéristiques des lecteurs), ou cibler les lecteurs d’une rubrique du magazine ou même du supplément thématique du trimestre. Sauf que ce ciblage s’intéresse au contexte ponctuel et non pas à l’agrégation de l’ensemble des contextes consultés au cours des trois dernières semaines.

Le fait de relier à chaque personne un historique de navigation basé sur des catégories ressemble bien plus à du profilage qu’à de la publicité contextuelle.

Si on laisse un peu de côté la solution Topics de Google, on peut se rendre compte que plusieurs acteurs du marché publicitaire en ligne proposent déjà du ciblage contextuel. Avec succès et sans constituer de profil sur la durée, mais en exploitant le contexte instantané (celui en lien avec le site actuellement consulté) afin de sélectionner des publicités d’annonceurs souhaitant cibler des personnes intéressées par le contexte en question.

Donc vraiment rien de nouveau dans ce que propose Google Topics.

A si quand même quelque chose : Topics permet à Google de reprendre la main en gérant au niveau du navigateur le profil de l’utilisateur et les consentements pour le ciblage publicitaire plutôt qu’au niveau du site éditeur…

Google Topics va-t-elle être acceptée par le marché publicitaire ?

Il est fort à parier que les éditeurs vont être méfiants envers cette initiative de Google. En effet, depuis la tentative, dans le projet de règlement européen ePrivacy, de placer au niveau du navigateur la gestion des consentements cookies, les éditeurs de contenu ont démontré à quel point ils étaient opposés à cette approche. En effet, ils considèrent qu’ils doivent garder la main sur la relation avec le visiteur du site en recueillant, au niveau du site, les consentements. C’est ce qui nous vaut aujourd’hui cette multitude de bannières cookies (dont une grande partie est loin d’être conforme) à valider au fil de notre navigation sur internet.

Alors imaginer que les éditeurs vont rester sans réagir face à cette tentative de Google de se réapproprier la relation avec l’internaute dans la gestion de ses préférences publicitaires et de ses consentements serait une erreur. D’ailleurs, le Financial Times indique qu’un groupe d’éditeurs allemands a déposé plainte contre Google.

Affaire à suivre dans les prochains mois !

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